Couple enlacé, désir sexuel

Désir ou élan de Vie ? Aliénation ou libération ?

Le désir est au centre de nos vies. Il en est l’un de nos carburants essentiels. Tout le monde l’utilise, à tort ou à raison. Les financiers, les industriels, les publicitaires, les politiques, nos proches. Tous s’en servent d’ailleurs pour influencer et diriger nos vies. Ne sommes-nous pas les premiers à être menés par nos désirs ? Ces désirs sont-ils donc légitimes ? Nous libèrent-t-ils ou nous aliènent-t-ils ? Au fait, sommes-nous en phase sur le mot désir ?

 

Le désir de bonheur est essentiel à l’homme ; il est le mobile de tous nos actes.
– Saint Augustin, philosophe, théologien, pasteur, 375 – 430

 

Désir, envie ou élan ?

Le mot désir s’emploie pour définir deux notions courantes :

  • le désir obsédant de posséder quelque chose
  • et le désir sexuel.

Le désir peut donc se distinguer d’une envie par son caractère obsédant, voire compulsif. Ainsi l’enfant qui désire une friandise pourrait faire un caprice pour l’obtenir en cas de résistance. Là où un adulte pourra plus facilement abandonner son envie si les conditions ne sont pas réunies pour la satisfaire.

Le désir s’emploie donc couramment comme un souhait irrationnel provenant du mental, de notre égo. Dans le processus naturel de la boucle sensations-émotions-besoins, le désir est LA réponse que nous définissons inconsciemment prioritaire pour satisfaire le besoin qui survient. Le désir est alors la solution choisie parmi tant d’autres pour satisfaire un besoin légitime au sens de Maslow[1].  Tant que l’on n’examine pas consciemment le besoin pour en définir les multiples réponses possibles, nos conditionnements et notre égo vont nous orienter vers une seule et même réponse obsédante, le désir. Un souhait irrationnel parce qu’inconscient.

 

L’homme est fondamentalement désir d’être et le désir est manque.
– Jean-Paul Sartre in « L’être et le néant »

 

Désir par essence

Pourtant le philosophe Spinoza nous invite à une philosophie du désir. Le désir est l’essence même de l’être. Mais pour Spinoza, le terme désir est un synonyme du concept de conatus[2]. Le conatus est ce qui pousse l’homme à persévérer dans son être[3].

Pour les philosophes, sages et maitres orientaux, le désir est lié avant tout au mental et à l’égo. Il est en ce sens dangereux. Swami Prajnanpad[4] mettait en garde en invoquant éventuellement un seul désir légitime : celui d’être libre de tout désir !

Mental & consciences

Existe-t-il donc une divergence entre le « désir » employé par Spinoza et le « désir » des philosophies et sagesses orientales ? Pas vraiment.

Spinoza définit le désir comme l’essence de l’être dès lors où la connaissance et la conscience libèrent cet être de son mental. Spinoza rejoint donc les sagesses orientales et désormais les sciences modernes, en particulier la physique quantique.

La notion de conscience intervient en effet dans les équations des physiciens les plus en pointe de la recherche. Peut-on mettre en équation les mécanismes de Vie sans le paramètre conscience ? Qu’est-ce qui se suffit à lui-même pour créer la Vie ? La conscience universelle, impersonnelle qui se distingue de la conscience personnelle de l’individu.

Il y a donc deux référentiels qui se complètent et dont l’union crée LE Tout. Le grand Tout. La conscience impersonnelle, invisible, représente 99.999% de la réalité. La conscience personnelle, limitée par la matière, représente 0.001% de la réalité. Le champ de conscience universel dans lequel nous baignons tous est la source du grand Tout[5]. Cette approche des physiciens modernes rejoint donc celle de toutes les traditions spirituelles et religieuses.

L’élan de Vie de la conscience universelle est spontané puisque c’est la nature même de cette conscience : elle est source de tout. Le désir est lui d’origine mentale, limité par la matière, conditionné par le passé et nos mémoires.

Au contraire, l’élan de Vie est indépendant de toutes contraintes d’espace-temps et de tout jugement qui sont propres au mental. La conscience universelle ne connait pas le jugement.

Nier l’instant présent ?

Et si le souhait obsédant de posséder était le révélateur d’un manque ? Puis-je désirer quelque chose que je possède déjà ?

Le désir est une projection temporelle qui nous fait quitter l’instant présent par le refus de ce qui est, dans l’espoir d’une possession future, incertaine et irréelle.

Les pratiquants de tantrisme et de TAO sexuel le savent. En particulier les hommes. Ce fut une confirmation incroyable sur cette consécration de l’instant présent. Se délecter de sa plénitude. C’est en l’absence de tout désir, d’absence du mental que l’état méditatif peut se focaliser d’abord sur ses ressentis corporels pour mieux s’abandonner à l’énergie qui circule entre, et par les deux êtres enlacés.

Dès lors où l’on n’attend plus rien, où l’on ne cherche plus rien, le mental s’apaise et la jouissance prend naissance dans la plénitude de l’instant. Le temps du référentiel limité du mental, la conscience personnelle, s’efface devant l’intemporel de la conscience impersonnelle, universelle. L’homme est alors multi-orgasmique[6] dans des échanges et une communion qui peuvent durer des heures.

Mais lorsque le désir de reproduire la « performance » survient les fois suivantes, le jeune padawan du multi-orgasme se trouve confronté à un relatif échec. Sa liberté envolée de la pleine présence à l’instant rend impossible la plénitude qui confère la non-attente et « l’intemporalité » de l’acte, du moment.

Energie et liberté

Le désir ne présente donc pas un danger en soi. C’est même un moteur énergétique puissant. C’est bien l’attachement au désir et cette focalisation du mental au détriment de la conscience impersonnelle qui entravent et qui limitent. Il ne s’agit pas de nier le référentiel limité de la conscience personnelle, mais bien d’étendre sa perception, sa conscience au-delà des 0.001% du visible et de la matière.

Alors, par le détachement, le désir se fait pleinement élan de vie. Il ne peut dès lors susciter aucune frustration, aucune insatisfaction. Lorsque le mental capitule pour vivre à sa juste place, la liberté se révèle. La joie jaillit sans raison. L’émerveillement se fait quotidien. La gratitude du vécu s’exprime naturellement comme juste attitude. Sans effort. L’égo et le mental, nourris et apaisés, laissent leur première place à la conscience universelle, à la nature, au vivant.

La conscience universelle, impersonnelle crée, anime et orchestre en permanence l’ensemble du vivant. Et si nous n’étions qu’un instrument devant nous accorder à l’instrumentaliste, au chef d’orchestre ? Notre seule mission ne serait-elle finalement que de nous ajuster, nous harmoniser avec la Conscience, la Nature, le Vivant ? Que désirer de plus ?

 

Le désir même d’être libre empêche de se libérer. Tout désir est une chaîne, un emprisonnement. La transformation est possible, mais pas en la désirant. La transformation n’est possible qu’en se relaxant dans « ce qui est ».
– Osho, méditant indien, 1931 – 1990

Pour cheminer serein, heureux,
Ne t’inquiète pas des oracles
Et malgré les soi-disant obstacles
Avise toi d’être libre et joyeux.

Souple, agis en épousant le mouvement.
Vogue au gré des sensations et destinations
En te laissant porter et guider par le courant.
Tu atteindras ainsi la plus juste des perfections.

Références & Ressources

[1] La pyramide des besoins d’Abraham Maslow, psychologue américain humaniste, https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins

[2] Conatus, le désir devient volonté et source de joie quand, par la connaissance adéquate de ce qui nous détermine, il augmente notre puissance d’être.  https://www.philomag.com/lexique/conatus

[3] Spinoza, désirs et passions https://la-philosophie.com/philosophie-spinoza
Cf Le Miracle Spinoza par Frédéric Lenoir, ed. Poche

[4] Scientifique et sage indien du 20ème siècle, popularisé en occident notamment par Arnaud et Denise Desjardins et Daniel Roumanoff. https://www.svami-prajnanpad.org/

[5]L’eau, invisible et visible, conscience, au cœur des mécanismes du vivant

[6] L’énergie sexuelle, le désir

  • L’énergie sexuelle masculine, de Mantak Chia et Douglas A. Arava
  • Le Tao de l’amour retrouvé – L’énergie sexuelle féminine, de Maneewan Chia , Mantak Chia
Autres ressources

Le désir est énergie, et c’est lui qu’il est essentiel de comprendre, Jiddu Krishnamurti https://www.krishnamurti-france.org/Le-desir

Le désir est-il réellement un problème  ? Jiddu Krishnamurti : http://cequiest.over-blog.com/2017/12/osho-c-est-l-ideal-qui-cree-le-probleme.html

Ce qui est, tout simplement, Osho http://cequiest.over-blog.com/2017/12/osho-c-est-l-ideal-qui-cree-le-probleme.html